Allepo Fragments


2018

Fragments of Aleppo is an installation that works around a personal and collective relationship to an imaginary war in the Middle East. The installation wishes to question how my quest for identity occurs in a media context where the Arab world is adorned with a warlike imaginary. I deploy through cathode ray screens several emblematic videos of Iraq. These videos interact with cell phone screens that are filled with images of Aleppo. Two projections question a web navigation where these contents clash. In 2016, trying to escape the standardized representations of the conflict in Syria, my navigation leads me to 360 panoramas posted by users on Google, these are full of bugs, technological artifacts that reveal that these photographs are a fragile representation of a reality difficult to understand. The image and the war in perpetual progress, unstable reality whose Syria put online blurs the meaning rather than illuminate it. In these bodies cut out by algorithms, I find a certain poetry, that of pointing out the mutilation both technological and bloody of the situation. Thus the cathode ray screens on the ground, replaying a speech by Bush, the bombing of Baghdad, September 11 or Abu Ghraib, act as ruins on the foundations of an imaginary world. Syria, between drones, children calling for help and chemical weapons, acts as a catalyst, a moment where my memory is reorganized to look back on my relationship to war, my relationship to Arabic, my relationship to Islam as well. Outside of this space, photos taken in a darkroom from a 360 photograph construct a memorial place where the text presented here in introduction can be heard. At the back of the room, illuminating the space and projecting the shadows of the visitors, a slide projector scrolls the cropping of emblematic conflicts, a form of visual projection of my memory of violence.



L’Irak résonne dans ma mémoire comme un écho du 11 septembre où mon enfance consomme des images sur des écrans cathodiques. Aux avions explosés contre les vitres poussiéreuses d’une neige grise télétransmise. Le XXIème siècle s’ouvre sur quelques souvenirs qu’on ralentit, regarde encore et encore. Un homme devenu symbole, la mort capturée, esthétisée pour représenter une nation qui s’effondre sous les coups de ceux qu’on appellera Al-Qaïda, Talibans, islamistes, longue liste noire des noms de groupes et des pays qui font peur.

Mon moi enfantin a peur des compléments d’enquête qu’il ne comprend pas. Il court dans sa chambre le dimanche soir à l’heure où la télévision diffuse des reportages sur ce terrorisme grandissant.  Lorsqu’il reste éveillé suffisamment longtemps pour voir ces images — qui, sans qu’il ne s’en rende compte, s’imprimeront bientôt à sa rétine pour constituer les fondations de son imaginaire de la guerre — l’enfant fond en larmes devant l’horreur qu’on lui rabâche sur toutes les ondes.

Dans le même temps, il s’efforce à oublier sa langue, se constitue une identité entre les larmes de sa mère algérienne qui semble reconnaître dans Ces visages voilés, des sœurs.



Je scrute ces technologies écrans abandonnés sur les bords des routes, essaye de reconstituer un Je dont les origines se sont mêlées à la texture de ces écrans pour qui le Moyen-Orient n’est qu’une guerre, pour qui l’arabe sonne comme un cri kamikaze. 

Je ne regarde plus la télévision, je la télécharge. Les écrans se dédoublent, ils envahissent l’espace. Sans le savoir mes appareils se multiplient, y a-t-il seulement eu une transition entre ce dimanche soir à heure fixe et ce lundi matin où une notification me signale une autre information. Ai-je vu de la Syrie un seul évènement ? Ou la chute du minaret de l’une des plus vieille Mosquée du monde n’était-elle qu’une notification passagère ?


La guerre avait quitté les champs de bataille pour s’installer dans les salons, je ne me suis pas rendu compte qu’en quittant le sofa familial j’avais pris dans ma poche l’écho d’une bombe. Je transporte des vies qui se répètent dans mon cellulaire. J’ai moins peur, regard habitué.

D’un clic droit j'ouvre le code source, déploie la page web, je n'ai plus le regard de l'enfant qui fuyait l'écran, mon regard interagit me voilà maître-esclave de ces nouvelles représentations.



Une question ne se pose pas : comment montrer ces images ?  Je n’en garde que mon regard. Celui qui ne saurait voir l’ensemble, qui n’a que le détail pour alimenter sa fascination morbide, son voyeurisme timide. Mes yeux ne voient que l’image, ont fait fi de la réalité qui frappe. J’observe dans les photographies ce que l’œil fait toujours semblant de ne pas remarquer. Le parasite, la tâche, l’erreur qu’un décadrage aura vite écartée, que mon cadrage veut remettre au centre. Peut-être est-ce par peur, dégoût ou manque d'audace que je choisis plutôt que de la montrer de réfléchir la mort par ce qui l'entoure, une main tenant la laisse, la botte sans les lèvres qui l'embrassent, le corps décapité par un bug numérique plutôt que par un autre héros de l'Islam défiguré.